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COMMENT A ÉTÉ NÉGOCIÉ LE PACTE ASILE ET MIGRATION ?

Un accord sur le Pacte a été trouvé, mais qui négocie quoi exactement ? 

Tout commence par une proposition de textes législatifs par la Commission européenne. C’est la seule institution qui a le droit d’initiative et donc de proposer de nouveaux textes, de son propre chef ou à l’invitation des autres institutions (Parlement européen ou Conseil de l’UE). Le Parlement européen et le Conseil de l’UE sont les deux co-législateurs, c’est-à-dire que ce sont les deux institutions qui vont, après de longues négociations, aboutir à un texte final commun, sur la base du texte de la Commission, puis l’adopter (ou le rejeter).

Dès 2019, dans son programme pour l’Europe, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, faisait de la « protection de notre mode de vie européen », et notamment des frontières solides et d’une nouvelle approche en matière de migration, l’une des 6 priorités politiques de son mandat

Des orientations que la Commission européenne traduira, en septembre 2020, dans le nouveau Pacte asile et migration. Sur la base de la proposition de la Commission européenne, commence alors, en parallèle, le travail du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Ces deux institutions amendent puis adoptent leur propre version de la  proposition législative sur la base de celle présentée par la Commission.

D’un côté, le Parlement européen, le représentant des quelque 450 millions de citoyen·nes européen·nes, où je siège puisque vous m’y avez élu en 2019. De l’autre, les ministres des gouvernements des États membres de l’Union européenne, réuni·es au sein du Conseil de l’Union européenne. Le Conseil de l’UE se réunit en formation différente selon les sujets traités. Pour les négociations sur le Pacte asile et migration, par exemple, ce sont les ministres européen·nes de l’Intérieur qui négocient pour le Conseil.

Schématiquement, cela donne ceci

La Commission européenne

Fait une proposition pour une nouvelle politique migratoire européenne, le Pacte asile et migration

elle l’envoie des deux côtés

Le Parlement européen

Représentant des citoyen·nes

Le Conseil de l’UE

Représentant des Etats membres

Ainsi, le Conseil et le Parlement préparent, chacun de leur côté, leur position sur le texte proposé par la Commission européenne. Des réunions de négociations internes à chaque institution se tiennent régulièrement et des personnes sont nommées responsables de chaque dossier. 

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Du côté du Parlement européen, chaque groupe politique va nommer un·e responsable pour négocier chaque texte : soit un·e rapporteur·e, si le groupe politique dont il ou elle fait partie a obtenu le dossier, soit ce qu’on appelle un shadow rapporteur, ou rapporteur fictif en français, pour les député·es européen·nes des autres groupes politiques qui suivront le dossier. Pour le groupe des Verts/ALE, je suis rapporteur fictif sur l’un des cinq textes majeurs du Pacte asile et migration : le Règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration (AMMR). Pour ce texte, j’ai donc déposé des amendements puis négocié au nom de mon groupe.

Régulièrement, nous avons organisé des réunions entre shadow rapporteurs pour aboutir à une position commune : celle du Parlement européen. Les débats ont été difficiles, houleux, parfois indignes. J’ai été interloqué par le manque d’humanité dans les débats. À force de parler de « quotas » et de milliers d’euros pour encadrer les migrations, j’ai le sentiment que certain·es député·es ont oublié ce dont, au fond, on parlait : l’humanité

Sans trop m’avancer, je peux imaginer que les négociations au sein du Conseil n'ont pas toujours été faciles non plus, entre les pays de première entrée (comme l’Italie, la Grèce, ou l’Espagne) qui réclament plus de solidarité de la part des autres États membres et des pays comme la Hongrie ou la Pologne qui refusent en bloc tout mécanisme obligatoire de solidarité.

Après ces longs mois de négociations, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont chacun adopté leur position respective sur les textes du Pacte. Ce n’est qu’ensuite qu’ils négocient alors conjointement, pour trouver une position commune sur ces textes. Ces négociations prennent la forme de trilogues, un mot du jargon européen, qui désigne les réunions entre la Commission européenne, le Parlement européen, et le Conseil de l’UE. Ces mêmes trilogues ne sont inscrits nulle part dans les textes européens. La Commission met donc son grain de sel dans des négociations auxquelles elle ne devrait assister qu'en simple spectatrice ! Mais ça, c’est un autre sujet… Revenons-en au Pacte.