Naufrage en Italie : Nous ne voulons plus compter les morts. Nous voulons aider les vivants.
Face à l’indifférence, l’action est urgente. Surtout, elle est possible.
En 2015, l’Europe s’émeut, à juste titre, de la photographie d’Aylan Kurdi. Le corps d’un enfant sans vie gît sur une plage. Ce week-end, au large de l'Italie, alors que plus de 65 personnes fuyant des guerres et des persécutions sont mortes, c’est l’indifférence qui triomphe. Pourtant, Aylan Kurdi et ces enfants, ces femmes et ces hommes ont un point commun : celui de venir chercher refuge en Europe, et d’avoir échoué à quelques mètres des côtes.
Entre 2015 et aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ? La valeur des vies humaines a-t-elle diminué ? Non. C’est inimaginable. Alors, comment s’est-on habitué à ces tragédies ? Quand avons-nous perdu notre empathie, notre humanité ? Face à ces nouveaux sinistres, agir, c’est aussi s’informer et partager.
Je vous propose aujourd'hui une vulgarisation de la situation migratoire en Europe et les perspectives d’amélioration que j’y perçois. Je vous invite à les lire et à les partager. Ne restons plus muets face aux drames. Ayons le courage d’en parler et de nous y confronter avec notre meilleure arme : la solidarité. Nous ne voulons plus compter les morts. Nous voulons aider les vivants.
Rompre avec le mythe de la « crise migratoire »
Au niveau européen, comme au niveau national, une frange de la population tente de créer un climat hostile à la solidarité. “Crise migratoire”, “invasion massive de migrants”, il s’agit du discours déployé par l’extrême droite. Pourtant, ces éléments de langage ne correspondent en rien à la réalité. Il faut déconstruire le mythe d’une invasion massive de migrant·es sur le sol européen. Pour ça, bonne nouvelle : les chiffres, les données factuelles, existent.
0.7%
En 2022, la part d’entrées dites « irrégulières » sur le sol de l’UE ne représente que 0,7% de la population totale européenne. Face au discours de peur qu’essaie d’instaurer l’extrême droite partout en Europe, face à la prétendue “invasion” : il faut opposer cette réalité des chiffres.
0,7% : un chiffre dérisoire. 0,7%, c’est aussi la preuve que nous pouvons agir.
Je le rappelle souvent : à l’échelle mondiale, 87% des migrations se font dans les pays limitrophes au pays quitté. On vient de la voir avec l’Ukraine. Les réfugié·es ukrainien·nes sont en très grande partie resté·es en Pologne, en Roumanie ou en Moldavie. Juste à côté de leur pays pour le rejoindre dès que possible. Ce fut le cas avec les Afghan·nes qui ont trouvé refuge en Iran, au Pakistan ou au Tadjikistan, lors de la prise de pouvoir par les Talibans. Et c’est le cas partout dans la corne de l’Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud.
Nous avons reçu 330 000 chercheur.se.s de refuge en 2022 dans l’UE sur 100 millions de personnes qui ont fui la guerre, le terrorisme et les persécutions selon l’ONU. 330 000 personnes sur 100 millions, ce ne sont que 0,33% de ces personnes alors que l’UE représente 5,62% de la population mondiale. Nous devons, à minima, assumer cette responsabilité par solidarité internationale.
Sans voies légales de migration, les noyades continueront et les murs et les barbelés se multiplieront
Ce que ces morts nous confirment, c’est l’inefficacité de la politique migratoire européenne actuelle. Sans voies légales de migration, les naufrages continueront.
Pourtant, la Commissaire européenne aux affaires intérieures Ylva Johansson déclare, suite au naufrage au large de la Calabre, que la solution à ces drames se trouve dans le projet de Pacte européen sur la migration et l'asile*. En réalité, la solution n’est pas si évidente.
Le Pacte dont nous parlons ici est un texte proposé par la Commission européenne. Il doit ensuite être étudié par les États membres de l’Union européenne (c’est le rôle du Conseil de l’UE), et par le Parlement Européen : c’est à cette étape que j’interviens. Le Parlement et le Conseil rendent ensuite leur avis sur le texte, et les trois pôles se mettent d’accord sur un texte final. Le Parlement Européen doit se prononcer sur ce texte d’ici la fin de l’année : nous avons le pouvoir d’agir rapidement !
L’un des objectifs de ce Pacte est de rendre les Etats membres plus solidaires les uns des autres, pour éviter que les demandeur·euses d’asile ne se retrouvent coincé·es dans les pays du sud de l’UE. Un seul État membre n’a pas la capacité de gérer l’accueil de l’ensemble des personnes qui se présentent à ses frontières. Pourtant, la situation européenne actuelle en est assez proche, avec des pays comme la Grèce ou l’Italie qui doivent assumer les plus importantes arrivées, sans véritable aide des autres États. Il est évident que la solidarité doit être accentuée !
Les États membres doivent donc s’entraider. Mais qu’en est-il réellement ? La commissaire Johansson a-t-elle raison de croire que la solution est déjà dans le Pacte ? Ma position est claire : pour cela, le texte doit inclure un mécanisme de solidarité clair qui soit appliqué à tous les pays de l’UE. Sans ça, la solution dont parle Ylva Johansson n’est qu’un leurre. Je vous explique.
Ce qui changerait avec ma proposition de “mécanisme de solidarité”
Pour en finir avec les naufrages et les pertes de vies humaines, nous avons besoin de mieux encadrer les opérations de sauvetage et de secours en mer. Ce que je propose est simple : c’est la solidarité obligatoire, en tout temps, et au moins dans les cas de secours en mer. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
C’est simple : après toute opération de secours et de sauvetage en mer, les personnes débarquées doivent bénéficier d’une relocalisation obligatoire dans les États membres.
C'est-à-dire, en répartissant les chercheur·euses de refuge entre les États membres les mieux à même de les accueillir. Ces relocalisations doivent être effectuées dès qu’un débarquement a lieu, et en tout temps. Cela doit être très clair dans le texte. C’est le seul moyen de s’assurer de la volonté des États membres d’autoriser les débarquements sur leur sol.
Sans ça, chacun se renvoie la balle dans un jeu cynique et inhumain, piétinant les règles du droit international et les textes européens, et violent les droits fondamentaux de personnes placées dans une situation des plus vulnérables. C’est le cas avec la “relocalisation volontaire” proposée par le Conseil en juin dernier. Les États membres s’étaient engagés à relocaliser 8 000 personnes. 8 mois plus tard, 300 seulement ont été relocalisées. Une solution tout bonnement inefficace. Elle montre bien que la relocalisation obligatoire est la seule solution. Et elle n’est pas encore dans le projet de Pacte d’Ylva Johansson !
Une étape clé, le 28 mars
Je vous parlais au début de cet article de l’urgence d’agir. Le moment est venu :
Depuis le début de mon mandat, je n’ai cessé de me battre pour une politique migratoire européenne qui soit solidaire, qui soit digne, à la hauteur des vies humaines. Le chemin n’est pas simple. Mais bientôt, une date arrive, et un défi avec.
Cette date : c’est le 28 mars.
Nous avons 1 mois. 1 mois pour que la position du Parlement européen intègre ce mécanisme de solidarité. Un mécanisme clair, valable pour tous les États membres de l’Union européenne. Je suis prêt. Je compte sur vous pour m’accompagner !
Notre devoir de solidarité en Europe
Aider 0,7% des personnes présentes sur le territoire européen, c’est possible, mais surtout, c’est un devoir de solidarité. Cette solidarité est le ciment de l’Union Européenne. Elle en est la valeur la plus forte, la croyance commune la plus noble.
La solidarité est l’une des valeurs fondatrices de l’UE. Ne l’oublions jamais.
Ce message, je l’adresse à tous·tes. Aux Commissaires européen·nes, aux Membres du Parlement européen, aux États membres qui siègent au Conseil.
Mais aussi, à vous, citoyen·nes européen·es. Ce devoir de solidarité est entre nos mains !
Nous avons un pouvoir : celui de sauver des vies.
Nous avons un moyen : celui de prévoir dans le Pacte Asile et Migration ce mécanisme de relocalisation obligatoire pour les personnes débarquées suite à des opérations de secours et de sauvetage en mer, en tout temps.
L’action est à notre portée
En attendant, prendre le temps de l’explication, redonner l’humanité nécessaire à ce combat, s’informer et éduquer chacun à la solidarité envers les chercheur·euses d’asile, tendre des mains à ceux qui souhaitent les saisir, c’est déjà agir.
Prendre le temps de s’informer et partager ce message autour de vous, c’est déjà agir.