VENDREDI 19 ET SAMEDI 20 MARS 2021. CETTE POLITIQUE DESHUMANISE TOUT LE MONDE
Lorsque Marie Toussaint, députée européenne arrive à Montgenèvre le vendredi 19 mars, il est aux alentours de 19h30. La nuit est déjà tombée, elle est épaisse.
Et il fait -10 dégrés.
Nous retrouvons les bénévoles de Médecins du Monde. A peine le frein à main de notre voiture serré, le premier contrôle de gendarmerie survient.
" Les associations présentes sur le terrain nous avaient prévenus du harcèlement imposé par les forces de l’ordre.
Alors que les deux pandores tiennent encore nos papiers dans leurs mains, nous entendons un cri. Puis nous percevons des mouvements. Une course poursuite s'engage dans le champ de neige qui s'étend face au poste. Une chasse à l’homme, aux hommes… Les forces de l’ordre ramènent au poste de la police aux frontières deux jeunes exilés : ils y passent plusieurs heures avant d’être reconduits à la frontière.
Cette même nuit noire et glaciale, entre 20h et minuit, pas moins de 16 personnes tombent entre les mains des autorités. Parmi elles, une femme qui souffre d’une maladie cardiaque. Nous insistons en vain : la police refuse de laisser le médecin bénévole de Médecins du Monde s’approcher d’elle. Pourquoi ? Parce qu’elle n’en a pas demandé l’assistance. Cette dame, comme les autres, est ramenée à la frontière italienne.
Gendarmes, douaniers, police aux frontières… La militarisation du passage entre la France et l’Italie ne relève pas du fantasme. Alors certes, ni miradors, ni barbelés, mais nul ne peut circuler sans croiser les voitures des forces de l’ordre, dans des allées et venues incessantes. Ils sont plusieurs dizaines, différents corps et différentes fonctions, à contrôler la ligne frontalière, pour tenter quoi qu’il en coûte d’arrêter celles et ceux qui poussé·e·s par le désespoir, la peur ou la faim, tentent d’atteindre ce pays qu’on leur a promis “des Droits de l’Homme”. Un pays où les camions de marchandises, eux, arrivent sans encombre et par dizaines cette nuit-là.
Le lendemain, nous sommes de nouveau aux côtés des bénévoles. Jours après nuits, ils se relaient, marchent des heures dans la neige pour secourir les exilé·e·s arrivé·e·s en France et perdu·e·s, ou blessé·e·s, ou frigorifié·es·. L’acharnement des forces de l’ordre conduit ces personnes en recherche de refuge à prendre toujours plus de risques, et les bénévoles à crapahuter toujours plus loin, toujours plus longtemps. Contrôles d’identité à répétition, arrestations, amendes absurdes…
Ce samedi-là, une manifestation est co-organisée par les associations de solidarité et la Confédération paysanne. L’un des paysans présents sera d’ailleurs arrêté, mis en garde à vue avec un autre des bénévoles, pour plus de 24 heures, sans véritable motif. La police locale avait pour ordre « d’en haut » de ne répondre à aucune de nos questions ; ce sera aussi le cas pour ces deux manifestants. Tout est bon pour décourager les élans de solidarité.
Cette situation, cette politique, déshumanise tout le monde. Evidemment les personnes en quête de refuge, sont les premières victimes d’une fermeture des frontières d'apparat. Car oui, ces jours et ces nuits passés à défier le froid et la fatigue, n’ont qu’une et une seule vocation : permettre aux dirigeants de prétendre qu’ils agissent.
Car selon les estimations de toutes les parties prenantes à ce jeu de dupes, 100% des exilé.e.s réussissent, un jour où l’autre, à passer la frontière. La question est ici de savoir en combien de temps, et s’ils la traverseront en vie.
Peu importent les efforts déployés, la militarisation et les traitements inhumains, les arrestations et les refoulements en dépit du droit de demander l’asile en France… les exilé·e·s continueront de tout tenter pour traverser et atteindre un espoir de vie meilleure. Ni l'intransigeance du gouvernement, ni la mise en scène grotesque et inhumaine de son autorité n’y changeront rien.