A BRIANÇON, LA HONTE, IMMENSE
Le 11 décembre, en tant que député européen, j’ai passé la journée à Briançon avec une délégation nationale de l’ANVITA – Association nationale des villes et des territoires accueillants, association dont je suis président. J’y suis allé, nous y sommes allé.e.s pour dénoncer l’absurdité et l’inefficacité de la multiplication des contrôles aux frontières. Depuis toujours, et cela est documenté, ces contrôles n’ont pour effet que de rendre plus dangereux les passages, d’enrichir les réseaux de passeurs et de plonger dans l’indignité extrême tous ces êtres humains. De surcroît, dans un tel contexte, les violences policières augmentent.
Se rendre sur place, c’est permettre un grand coup de projecteur pour que ne soit plus invisibilisée la réalité de ce qu’il se passe sur le terrain.
En ce moment même, dans la neige et le froid glacial.
Se rendre sur place, c’est rendre possible des témoignages et montrer aussi aux personnes qui cherchent asile, comme à celles qui offrent tout leur coeur et toute leur énergie à les entourer d’un minimum de réconfort et de dignité, qu’elles, ils, ne sont pas oublié.e.s. Que je me bats, que l’on se bat pour que les choses changent enfin.
Il faut bien en prendre conscience : toutes celles, tous ceux qui sur le terrain aident, sont à bout de forces.
Pourtant, sans elles, sans eux, il n’y aurait plus une once d’humanité dans les instants terribles qui surviennent chaque jour, chaque nuit, à nos frontières.
Car oui, la réalité est insupportable : les vies humaines sont piétinées. Celle de Blessing Matthew, morte noyée en mai 2018, a été stoppée net. Blessing fuyait une patrouille de gendarmes. Sa tombe, au cimetière de Saint-Martin de Queyrières, est totalement isolée. Dans un coin. Voilà comment la France traite les exilé.e.s.
Voilà comment les droits humains sont bafoués.
RECUEILLEMENT SUR LA TOMBE DE BLESSING MATTHEW
Ce matin du 11 décembre, j’ai été profondément choqué de ce que j’ai constaté.
Après m’être recueilli sur la tombe de Blessing, j’ai rejoint Montgenèvre, à plus de 1800 mètres d’altitude. C’est là que, avec la maraude de soignants et d’aidants, au coeur de l’après-midi, par -5° et plongés dans la neige, j’ai vu arriver des enfants (le petit garçon le plus jeune avait trois ans), des femmes, des hommes.
Sans rien. A pieds. A travers la montagne.
23 personnes, presque tous Afghans. Parmi elles, deux femmes enceintes.
Tou.te.s ces personnes étaient absolument exténuées. Beaucoup très mal en point.
Les maraudeurs (de l’association Tous Migrants, de Médecins du Monde, etc.) tentaient de dispenser les premiers soins, les premiers secours - un minimum d’humanité, tandis que les forces de l’ordre emmenaient tout le monde au poste-frontière.
François Carrel, journaliste au quotidien Libération, raconte tout dans son reportage, ici.
La honte ressentie, alors, provoque la nausée.
C’est insupportable.
Nous devons accueillir.
Nous devons nous souvenir de notre humanité.
En tant que député européen, j’ai ensuite pu pénétrer à l’intérieur du poste-frontière. J’ai constaté l’absence de protocole d’accueil, de santé, la détresse absolue.
Ce n’est pas possible.
Ce n’est plus possible.
Si la France est le pays des droits humains, il va falloir qu’elle se réveille. Et sérieusement.
Surtout, elle est hors la loi, la France :
Le 10 décembre, le tribunal administratif de Marseille a en effet sanctionné l’administration pour son refus de porter assistance aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne.
Pour rappel : le 16 octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde s’étaient présentées aux locaux de la PAF de Montgenèvre afin d’apporter assistances juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur avait été refusé par la PAF de Montgenèvre puis par la préfecture des Hautes-Alpes. Saisi de ce refus, le tribunal administratif de Marseille avait alors demandé à l’administration de réexaminer la demande d’accès des associations dans ces locaux où les personnes sont placées sous la contrainte de la police aux frontières. Il s’est en outre prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’État français.)
Nous devons réagir.
Tout de suite.
Et ensemble.